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Document tiré du Dictionnaire Statistique du Cantal de Déribier-du-Chatelet Edition de MDCCCLII (1852) Volume 1/5.
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Maronne et Aspre.
— La vallée de Maronne et celle que baigne l'Aspre prennent naissance à peu de distance l'une de l'autre. Elles se réunissent à trois ou quatre lieues de leur origine; mais, dans le court trajet qu'elles parcourent séparément, l'aspect qu'elles présentent diffère d'une manière frappante.
La rivière de Maronne , qui doit conserver son nom après avoir reçu les eaux de l'Aspre, s'échappe de la montagne de Pratmeau, voisine du pittoresque roc du Merle; elle coule dans un bassin généralement large , découvert et bien cultivé, qui ressemble d'un bout à l'autre à une longue prairie. De beaux villages animent ses rives et renferment une population dont les bestiaux font la richesse. La vallée de Maronne est, en effet, située au cœur de cette région Salérienne dont la race bovine a fait ses preuves dans les premiers concours agricoles de l'Europe. Les montagnes qui l'entourent nourrissent les meilleures vacheries de l'Auvergne, et les caves des propriétaires renferment ces fromages exquis dont la qualité n'est réellement pas dépassée.
Au nord et à l'ouest, les rampes de la vallée montent rapidement vers le plateau qui les termine ; des corniches basaltiques forment çà et là comme une bordure circulaire à l'extrémité de ce plateau; le basalte se montre parfois en longues coulées; d'autres fois il étonne par ses masses énormes arrêtées sur le conglomérat. De ce côté du vallon, la montagne n'a point subi d'échancrure, et nul ruisseau ni rivelet n'en interrompt la courbure.
Au bord méridional, le coup-d'œil est plus imposant : du fond de la vallée s'élève un grand massif auquel elle sert de ceinture; ce massif, déchiré par quelques ravins, gravite vers la cime gazonnée du puy Violent; au puy Violent s'enchaînent le puy de Peinobre, où l'on trouve de la pouzzolane argileuse , le puy de Boude , composé de basalte amorphe. Viennent ensuite le puy Gros et d'autres mamelons intéressants pour le géologue. Les pacages de montagne qui se rattachent à ces pics sont très-élevés, mais de bonne qualité.
A l'ombre de ces hauts sommets, la Maronne coule paisiblement et sans bruit en décrivant autour dç^la base du puy Violent un circuit dirigé de l'est à l'ouest. Après être descendue de la montagne où jaillit sa source, elle baigne les environs du hameau de Recusset, près duquel on remarque un gisement d'haüyne; elle laisse ensuite sur la droite les hameaux et villages de l’Espinasse, les Maronies, le Meynial et le Couderc. Au-delà de ce dernier village finit le premier gradin ou plan supérieur de la vallée. La rivière, parvenue au bord d'un banc de basalte qui unit les racines des montagnes opposées, s'élance par une haute et majestueuse cascade vers l'étage inférieur du bassin. Ici le ton du paysage se modifie: la vallée, plus riche et plus vêtue, offre en même temps une plus grande accidentation. Quelques hameaux se détachent sur le revers nord-ouest, au pied des pentes abruptes par lesquelles on atteint le plateau de Salers; à l'autre aspect, on aperçoit St-Paul, chef-lieu de la vallée; plus loin, la Maronne reçoit le ruisseau du Malrieu, grossi de celui de Vielmur; après avoir, par ce tribut, accru son importance, elle pénètre dans un horizon nouveau. Le cadre s'agrandit de toute part; une vaste plage de prairies se développe sous les yeux. Au milieu de ces prairies et devant le village de Clédar, la rivière de St-Paul rencontre l'Aspre qui vient de Fontanges.
Le ruisseau de Malrieu et celui de Vielmur, dont on vient de parler, forment le déversoir du puy Violent. Ces deux ruisseaux partent des flancs du pic et creusent deux gorges assez intéressantes dans le massif dont il est le point culminant. Le ruisseau de Vielmur, désigné aussi sous le nom de ruisseau du Rat, tombe en cascade au Chaumeil. Il a été l'objet d'une expérience curieuse. Une contestation s'étant engagée sur le point de savoir si la truite avait ou non la faculté de remonter au travers des cascades, on résolut de s'en assurer en empoisonnant les eaux du Rat depuis sa source jusqu'à la cascade du Chaumeil, c'est-à-dire sur l'espace d'une lieue L'épreuve fut faite et avec une telle quantité de chaux que, certes, pas un poisson ne pouvait y survivre. Tout périt en effet. Après la pèche, coins et recoins furent fouillés à plusieurs reprises; rien n'y restait. Un an se passa sans qu'on se préoccupât du ruisseau ; enfin, les contestants voulurent connaître les résultats de leur expérience. Jour fut pris pour une pêche nouvelle. Or, ô prodige! Le ruisseau était plus poissonneux que jamais. Truites el fretin tombaient de tous côtés dans le filet. Les incrédules se tinrent pour battus, payèrent l'enjeu, mangèrent le poisson, et l'ascension des truites par le flot même des cascades devint un fait acquis à la science ichthyologique.
Si la vallée de St-Paul ou de Maronne est la vallée favorite des agronomes; si elle offre partout le tableau de la richesse pastorale, la vallée d'Aspre réserve ses sites pour les artistes et leur ouvre une mine inépuisable. Autant la première offre un caractère paisible, autant la gorge d'Aspre est animée par le bruit des chutes d'eau et des torrents. Autant la vallée de Maronne est découverte, régulière et uniforme en quelque sorte dans ses perspectives, autant les défilés do l'Aspre au-dessus do Fontanges sont boisés, abruptes, heurtés et mouvementés dans leurs paysages si divers. La rivière d'Aspre, qui s'y précipite, est formée de deux torrents, celui de Chavaspre et celui de Chavaroche ou d'En-Blaeau. Les sources du premier jaillissent du puy Gros, qui domine le Bois-Noir. Ce bois, d'une beauté romantique el sauvage, occupe, sur une étendue de 6I0 hectares, un entonnoir profond fermé par de hautes montagnes qui ne s'ouvrent qu'à l'ouest; ses sapins puissants et rameux étendent leur sombre manteau jusqu'aux sommités de la gorge ; la lisière de la forêt se détache à cru sous un collier de rochers qui forme bordure à l'horizon. Ces hauteurs appartiennent, vers la droite, aux montagnes d'Orcet, de la Peyre-Delcros et de la Roche-Taillade; vers la gauche, elles portent le nom de Puy-Gros et de montagnes du Floquet. Dans les profondeurs du bois tombe et retentit le flot de deux splendides cascades. Au-dessous, se fait remarquer encore celle de la Grange-du-Coin. On ne saurait exprimer la sévère majesté qu'offre l'ensemble de ces lieux reculés au fond des montagnes; on croirait y retrouver les beaux sites des Alpes, quelque coin des forêts de la Chartreuse ou de la Schedeck et de Rosenlawi, en Suisse; ils étaient vraiment dignes du pinceau de Rosa Bonheur et d'autres peintres renommés.
En sortant de la forêt, le torrent de Chavaspre bondit encore du haut de plusieurs rochers et se creuse un canal profond. On remarque sur les berges qui le bordent l'empreinte de plusieurs espèces de fougères et autres plantes; près du hameau de la Sagne, on trouve de nombreux fragments de lignite el des marques bien conservées de feuilles de châtaignier, de saule et de noyer.
La Chavaspre arrive ainsi rapidement au village de la Bastide, qu'elle traverse de chute en chute pour aller rejoindre le torrent d'En-Blaeau ou de Chavaroche.
Celui-ci prend naissance entre la montagne du même nom et la Roche-Taillade; là se trouve un col gazonné qui fait communiquer la vallée de l'Aspre avec celle du Falgoux, et par lequel on arrive aussi vers le col de la Roche-Noire et la vallée de Jordanne; le ruisseau de Chavaroche descend de ce col en creusant de plus en plus la gorge où il roule ses eaux; son cours se perd sous les bois épais qui le couvrent; mais on ne cesse d'entendre le bruit de ses chutes; près du buron du Rousse], il forme deux jolies cascades et reçoit un autre ruisseau dont le cours est très-accidenté.
Le revers méridional du vallon est hérissé de sapins, et ne laisse apercevoir çà et là que des masses d'un trachyte gris-bleuâtre formant les soubassements du puy de Chavaroche ou de l'homme-de-Pierre.
Sur les hauteurs, à droite, se montre le hameau de la Peyre-Delcros; il est situé au-dessous de crêtes de rochers bizarrement entaillées ; on voit dans ses environs un arrangement singulier de stratification; les couches inférieures contiennent des troncs de sapins couchés ou debout dans un état plus ou moins ferrugineux.
Nous ne pouvons mieux faire que d'emprunter la description des curiosités que renferment ces lieux à l'intéressant ouvrage de M. Bouillet.
Après un petit quart-de-lieue de la Bastide , au-dessous du hameau de la Peyre-Delcros, on arrive à un grand escarpement qui s'est formé dans un tuf ponceux à fragments de trachyte et recouvert d'une couche puissante de conglomérat. Ce tuf contient des empreintes de végétaux; mais ce qu'on y voit de plus, et cela au-dessus d'une espèce de grotte formée dans l'escarpement, c'est un arbre énorme qui a été enveloppé, debout, par le tuf. On reconnaît parfaitement l'écorce et les couches concentriques de cet arbre, passé à l'étal de lignite terreux , de même que les ramifications de ses premières branches. Il m'a paru appartenir au genre sapin (pinus abies , de Lin.), ainsi que ceux dont il va être question dans un instant.
« La grotte où se voit cet arbre est tapissée d'efflorescences de sulfate de fer. Très-près de là est une belle cascade qui couvre toute la largeur du ravin. Sur la gauche du ruisseau, en montant, il existe un tronc d'arbre tout-à-fait passé à l'état de fer hydraté-oxidé, empâté dans le tuf. Au-dessous, on aperçoit des couches d'un tuf plus ferrugineux. »
Le ruisseau de Chavaroche est encore remarquable par les nombreuses baignoires ciselées en quelque sorte dans son lit et dont quelques-unes sont très-profondes.
Cependant nous arrivons à la Bastide, où les deux cours d'eau se réunissent. La Bastide est connue par ses eaux minérales qui y attirent uu grand nombre de personnes dans la belle saison ; c'est un village très-agréable, où la vue s'élève d'une part vers les massifs imposants du Bois-Noir et les montagnes qui le couronnent; d'autre part, vers la gorge d'En-Blaeau, si riche pour le touriste et le géologue. Les chasseurs y viennent pour chasser le chevreuil. Les artistes le prennent pour centre de leurs excursions; il est en Auvergne peu de positions plus attrayantes. Mais ce que l'on voudrait y voir, ce serait de meilleures auberges qui pussent laisser au voyageur le souvenir d'une plus grande propreté et d'un peu plus de confort. Placez à la Bastide quelques gracieux chalets, quelques-uns de ces hôtels simples, mais commodes et bien tenus, que vous trouvez en Suisse jusqu'au sommet des plus hautes montagnes , au Righi, au Faulhorn, à la grande Schedeck, au Wenger-Alp, par exemple; que le touriste soit assuré d'y savourer la truite et l'écrevisse des ruisseaux voisins, d'y coucher dans des draps propres et des chambres inodores, de s'y lever sans pustules sur tous les membres, de pouvoir de sa fenêtre y contempler au lieu du mur et du chaume voisins, quelque cascatelle du torrent, un coin du Bois-Noir, les cimes des Floquets, celle du puy d'Orcet, ou tout autre, et la Bastide sera visitée comme Grindenwald, Meyringen ou Lauter-Brunnen , dans l'Oberland. Ses sites figureront sur tous les albums ; les guides au Bois-Noir traceront vingt itinéraires différents au visiteur; ils le conduiront aujourd'hui le long de la vallée d'Aspre, aux rochers et à la cascade du Cuzol, à Fontanges , au Saut-du-Ral et à Salers; demain, au puy Violent; un autre jour, aux merveilles du Bois-Noir; ils lui feront franchir la crête et tenter l'ascension du roc des Ombres ou du roc du Merle; lui montreront la grotte de l'homme-Noir, les cascades d'Espinouse, du Vialinc, de la Scierie , et le promèneront au milieu de toutes les magnificences de la vallée du Falgoux; puis on remontera le vallon d'En-Blaeau, en admirant ses chutes et ses pétrifications, pour gravir au sommet de Chavaroche ou du puy Mary, sublime observatoire de cinq grandes vallées. On passera quinze jours entiers à la Bastide, quinze beaux jours bien entendu, et après ce séjour on ne le quittera que pour y revenir. Ses cascades recevront des noms poétiques plus en harmonie avec les mélancoliques rêveries d'une scène de roman que les noms de Pissa-del-Coin ou du Roussel ; on croira les entendre chanter, comme au Mont-d'Or le rossignol et le rossignolel; les voir se dérouler comme le serpent sous le feuillage, ou glisser du haut du rocher comme l'écureuil. Les vieilles chroniques se dresseront au-dessus de chaque ruine, les légendes autour de chaque croix solitaire, et, parla baguette magique do l'imagination, la bonne fée reviendra dans la grotte du rocher, l'ondine apparaîtra au bord du torrent. Peut-être encore sous l'influence du même talisman et d'un air pur. les eaux de la Bastide acquerront tout-à-coup une vertu merveilleuse et inconnue jusqu'à ce jour; on sait en effet l'excellence de ces eaux dans l'atonie de l'estomac et des viscères abdominaux, comme dans la céphalalgie sus-orbitaire due au mauvais état des premières voies; l'expérience l'a prouvée; les médecins les plus distingués l'ont constatée; mais il faut aider leur action par une bonne nourriture, par une existence hygiénique et agréable, par des exercices dont le charme dissipe les noires vapeurs. Il faut des logements sains et confortables, des moyens de récréation pour l'esprit, des parties de plaisir, des promenades qui excitent la gaîté et l'appétit; il faut, en donnant de l'intérêt aux excursions des malades, faire jouer l'air, pour ainsi dire, dans l'être moral comme dans l'être physique; c'est là le secret des autres eaux; à la Bastide, la nature semble avoir tout fait dans ce but ; elle y est prodigue de ses trésors. Espérons qu'un jour les bons habitants de notre forêt noire comprendront qu'ils ont quelques améliorations à faire pour les mettre en relief; que d'en autre côté la commune, dont ce lieu est l'extrémité, rendra praticable le chemin qui y conduit. Ce chemin est si mauvais que la forêt, quoique peuplée des plus beaux arbres, reste dans l'état d'exploitation le plus imparfait. Ajoutons, au reste, en appliquant cette observation à la vallée de Fontanges que, si la nature a pris le soin de frayer dans nos montagnes de magnifiques avenues, l'homme a bien peu fait pour en faciliter l'usage. Les richesses de la Haute-Auvergne sont dans ses délicieuses vallées; c'est là que se trouvent ses prairies, ses champs fertiles, ses bois, qui forment encore une réserve si précieuse; elles sont comme une mosaïque de riches et charmants villages. Il semblerait donc que chacune d'elles devrait être dotée de son chemin : 1° à cause de l'importance de ses produits et de l'avantage d'un moyen d'écoulement; 2° à cause de l'aisance des villages, de leur population et par conséquent des ressources qu'ils auraient pour l'amélioration de leurs voies de communication; 3° à cause enfin des commodités qu'offre le terrain sur lequel porterait le tracé de ces chemins. Et cependant sur les vingt vallées qui partent du centre des monts cantaliens, celles de Cère et d'Allagnon seules ont une route; celle de Santoire n'est frayée qu'en partie par un chemin de grande communication ; celle de Jordanne attend l'exécution du sien sur la presque totalité de son parcours; celle de Marmagnac doit son bon chemin vicinal au zèle et à l'intelligence de quelques particuliers; les autres en sont encore ou à peu prés à l'état primitif. En revanche, il est des routes départementales ou des chemins de grande communication qui règnent pendant un parcours de 3 ou 4 lieues sur la bruyère et dans la solitude la plus complète.
Au-dessous de la Bastide, la vallée d'Aspre présente pendant quelque temps une surface assez plane. La montagne s'élève beaucoup plus du coté du nord qu'au côté opposé ; sur ses pentes et à diverses hauteurs figurent plusieurs villages. Ce sont : au revers nord, le Fau, devenu chef-lieu de paroisse; l'Estradie, le Meynial, le Puech, la Vergne, et, sur l'autre revers, le hameau du Vert et quelques autres.
Cependant le lit de la vallée devient plus profond, plus élevé. La rivière s'encaisse entre des rochers boisés et coule au fond d'un ravin sauvage. On arrive en la côtoyant aux environs de Seilhols - Haut, point infiniment curieux, a « Etant à Seilhols-Haut, dit M. Bouillet, il faut traverser une prairie avant d'arriver au gisement de ces beaux pechsteins, connus dans les collections sous le nom de pechsteins ou résinites de Fontanges. Ils existent en amas dans le conglomérat au lieu appelé Roc-Blanc. Au-dessus, et près d'une vake basaltique noire, traversée de veines ou petits filons d'aragonite et dans la» quelle on trouve aussi des mamelons de calcédoine, existent de belles masses d'argile fortement chauffées; elles sont remarquables par leur pâte finie, leurs couleurs variées, et pourraient recevoir d'utiles applications. »
Entre Seilhols-Bas et Seilhols-Haut, hameaux voisins l'un de l'autre , les masses détachées des escarpements qui y existent et qui mettent à nu un conglomérat argileux , se décomposent facilement et sont couvertes, de même que le» escarpements d'efflorescences de sulfate de fer et contiennent du sulfate d'alumine presque pur. C'est peut-être à la facilité qu'a ce conglomérat de se décomposer, peut-être aussi à l'action des eaux qui lavent ces rochers que la rivière d'Aspre doit l'alun dont elle est saturée. Ses bords, près des hameaux dont il vient d'être parlé, sont tellement escarpés, que l'on serait arrêté à chaque pas si l'on voulait prêter attention à toutes les cascades qui se jettent dans le cours d'eau principal.
Cette partie de la vallée, quoique encore très-élevée, est couverte de noyers d'une végétation vigoureuse et de prairies qu'embellissent des arbres fruitiers.
Plus loin, sur la rive droite, le Cuzol-Haut et le Cuzol-Bas attirent les regards. Près du dernier, une belle cascade descend en serpentant du conglomérat; cette nature de roche, provenant des éboulements, abonde dans la vallée, surtout a l'endroit où est situé le Cuzol-Bas. Ce hameau est comme encaissé au milieu d'énormes masses disposées de telle manière que les unes, coupées verticalement, forment un côté des habitations et leur servent d'appui. Les autres, au contraire, fortement surplombées et quelquefois excavées, deviennent le toit d'autres habitations, tant pour les hommes que pour les animaux domestiques. On voit dans quelques-unes des parties supérieures, et au Cuzol -Haut, plusieurs grottes qui ont dû, dans les temps anciens, servir de retraite aux habitants du pays . »
Au-delà du Cuzol, les bancs de rochers qui tenaient la rivière pressée entre eux cessent tout-à-coup; le ravin s'ouvre et s'élargit; la vallée proprement dite commence à se déployer, offrant des deux côtés de l'Aspre, mais principalement du côté droit, une longue nappe de prairies. A la tète de cette nouvelle région se dessine très-gracieusement le bourg de Fontanges, un des plus beaux types des villages du haut-pays. On a déjà décrit ses promenades, son église, ses riantes habitations, le gros rocher, voisin du bourg, et les ruines du château, adossé à ce rocher. Fontanges tire parti des eaux de l'Aspre pour ses blanchisseries qui, depuis un temps immémorial, jouissent d'une grande réputation.
C'est à peu de distance de ce lieu que la vallée se réunit à celle de la Maronne ou de Saint-Paul Le paysage au milieu duquel s'opère le confluent des deux rivières, et celui des ruisseaux de Malrieu et de Vielmur, est d'une incomparable beauté. La nature semble s'être plu à y répandre ses dons : prairies, vergers, eaux vives et abondantes, arbres de toute espèce, champs couverts de riches cultures, tout parait y être animé d'une force végétative admirable. Il faut, pour saisir l'ensemble du tableau et comprendre tout ce que ses proportions ont de grandiose, l'observer du haut des promenades de Salers. La ville pucelle, qui ri bien défendit la bonne cause pendant les guerres de religion, commande, en effet, l'immense panorama des quatre vallées. Du haut de ses remparts basaltiques, comme de l'aire d'un aigle, elle observe au loin toutes les avenues, non moins fière de régner, en outre, sur toutes ces montagnes à vacherie qui lui envoient chaque année les plus beaux produits. Avec ses fortes constructions, ses façades en pierre de taille, flanquées de tours hexagones, les arceaux de ses portes et ses remparts en prismes de basalte, Salers est encore un type noble et original du moyen âge. Cette ville, quoique déchue, conserve dans sa grave physionomie toute la dignité de ses souvenirs.
Au-dessous de Salers, la vallée de Maronne se continue, large, riante et plantureuse; d'une petite éminence qui se rattache aux assises do la montagne, la tour crénelée de Palmont domine majestueusement ses prairies; au-delà de Palmont, près du hameau du Theil, on rencontre une coupe très belle qui offre le basalte entre deux couches de tuf ponceux couvrant le conglomérat, et un dyke basaltique couronnant le tout; de l'autre côté, sur la lisière des bois qui couvrent toute la gauche de la vallée , se dresse la roche du Malle, composée de conglomérat; au-delà de ce point, le petit vallon de St-Remy rejoint la vallée principale, mais ne présente rien de particulier; on arrive ensuite aux ruines du château royal et forteresse de Créve-cœur, pittoresquement assises sur un rocher, entre les bois du coteau méridional. Un souvenir de Marguerite de Valois s'attache à ces lieux.
Nous atteignons enfin St-Martin-Valmeroux, bourg assez triste, mais qui intéresse par son église. La route d'Aurillac à Mauriac franchit la Maronne avant de le traverser.
En descendant la vallée au-dessous de St-Martin, on s'aperçoit que ses maisons sont construites sur des détritus volcaniques et du gneiss. Cette dernière roche se montre â découvert au-dessus et près du pont de la Maronne, à droite. Au-dessous, elle est cachée, mais pendant une très-petite traversée, par les atterrissements de la rivière, par les effets de la culture et, dans quelques parties, par le conglomérat. On la retrouve de nouveau aussitôt après avoir passé le petit ruisseau de Barbanel. Très-près de ce ruisseau (rive gauche de la Maronne) se trouvent les eaux minérales de la Font-Sainte. Elles sont fréquentées dans les mois de juillet et d'août par les habitants du voisinage. D'après les observations récentes de M. Dalbin, médecin à St-Martin-Valmeroux, observations qui viennent d'être publiées, ces eaux, outre leur propriété médicales, ont celle d'incruster les objets soumis à leur action. « Nous avons trouvé, dit M. Dalbin, à 48 m. de la source, divers fragments pétrifiés, c'est-à-dire couverts d'une couche plus ou moins épaisse de sous-carbonate de chaux.
Un petit morceau que j'ai mis dans un verre à éprouvette a fait effervescence avec l'acide chlorhydrique; il s'est dégagé du gaz acide carbonique; il s'est formé un chlorhydrate de chaux qui, traité par l'oxalate d'ammoniaque , m'a donné de l'oxalate de chaux blanc insoluble, réductible en chaux par la calcination. » C'est un fait nouveau et important qui est acquis à l'histoire naturelle de la Haute-Auvergne.
La végétation, dans cette partie de la vallée, est très-active et très-variée; la rivière est bordée de mille prairies, particulièrement riches pour le botaniste.
De l'autre côté de la rivière, en face de la Font-Sainte, on remarque, dans un petit ravin, des couches horizontales de trachyte bleuâtre, recouvertes par le conglomérat. Cette même formation de conglomérat se prolonge un peu plus loin, de ce côté de la vallée, et recouvre quelques monticules jusqu'auprès du hameau d'Ambials. Non loin de Plagnes, on voit le château de Nosières ou de St-Pot, récemment restauré, et celui de Nozière Soubro (c'est-à-dire du haut, dont il ne reste qu'une tour ronde en ruines.
A partir d'Ambials, la rivière s'encaisse de plus en plus dans le gneiss; la vallée so rétrécit, et est en partie couverte de bois, jusque près de St-Christophe. Sainte-Eulalie et Loupiac sont situés très-près de là. Dans la commune de Loupiac, on peut voir l'ancien château de Branzac ou Vranzac, dont les très-curieuses inscriptions murales ont été relevées par M. Delalo.
L'émigration des hommes de ce canton, qui vont porter au loin et jusqu'à l'étranger leur active industrie, laisse aux femmes à peu près tous les soins et les travaux de la culture. Les produits de cette industrie, rapportés chaque année dans le foyer domestique, y font régner une aisance que l’on ne remarque pas toujours dans des pays plus favorisés par la nature.
Le territoire du St-Christophe, moins boisé que les communes que je viens de citer, est en partie couvert de belles prairies. On voit à mi c6te, non loin des bords de la Maronne, la chapelle de Notre-Dame-du-Château Bas. Près de St-Christophe était le Château-Haut, dont il reste à peine des traces, de même que du Château-Bas. Au hameau de Chahus, et à celui de Vabres, qui est indiqué dans la charte de Clovis, on trouve des vestiges d'habitations romaines. M. le major Méallet, qui habite ce dernier hemeau, y a recueilli des médailles et des fragments de poterie
( Bouillet.)
Cependant, la Maronne s'enfonce dans des gorges de plus en plus profondes, tortueuses, hérissées de forets de chênes et abruptes. A Espont, elle reçoit la Bertrande, grossie de la Doire et de la Soulane; ses détours égalent les replis du serpent. Elle passe au-dessous de Soulages, de Langairou et du Pont-Bas, recueille encore les eaux des ruisseaux d'Arnac, de St-Rouffy et la rivière d'tncon, et arrive, en continuant à rouler au fond d'abîmes horribles, jusqu'au pont des Estouroc, où elle est traversée par la route d'Aurillac à Pleaux. En cet endroit, la Maronne commence à devenir flottable; elle sert à l'exploitation des belles richesses forestières qui couvrent ses bords. Elle baigne encore pendant quelque temps la commune de Cros-de-Montvert, qu'elle sépare de la Corrèze, puis, quitte entièrement le département du Cantal et va se jeter dans la Dordogne, au-dessus de Brivezac, après un cours de 44,250 m., dont la direction générale est de l'est-nord-est à 1 ouest-sud-ouest Cette rivière est poissonneuse, et, dans la partit! inférieure de son cours, on y pèche du saumon et du brochet.
H. de Lalaubie