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Document tiré du Dictionnaire Statistique du Cantal de Déribier-du-Chatelet Edition de MDCCCLII (1852) Volume 1/5.
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MÉTÉOROLOGIE.
Le climat du département du Cantal, dont le territoire se compose de vallées basses et profondes et de plaines et de montagnes élevées, varie suivant la hauteur des lieux, leur exposition et leur configuration.
En général l'air est plus humide que froid dans les vallées. Les eaux qui s'épanchent des montagnes y forment des marais dont les émanations, jointes à celles des rivières qui les traversent, n'étant pas déplacées par les vents, occupent constamment l'atmosphère. Aussi chaque nuit un brouillard épais couvre-t-il la plupart de ces vallées, même dans les plus grandes chaleurs, preuve de l'humidité qui y règne comme de la température plus froide des couches d'air supérieures. De pareils brouillards ne paraissent au contraire qu'accidentellement sur les plateaux élevés où les eaux ne séjournent point et où d'ailleurs de nombreux courants dispersent au loin les vapeurs humides dès qu'elles sont formées. Aussi l'atmosphère y est-elle moins humide que dans les vallées, mais elle y est plus froide et il y tombe, même dans les temps de la canicule, d'abondantes rosées dues à la condensation des particules aqueuses par la fraîcheur des nuits. Lorsque l'air est calme et que la température se trouve au-dessous de 0, ces rosées sont remplacées par des gelées blanches : les vapeurs humides s'abaissent graduellement jusque sur le sol où rien ne trouble leur cristallisation et où chaque branche, chaque brin d'herbe deviennent des supports de rosettes et de guirlandes de glace d'une régularité parfaite.
Les hautes montagnes forment la partie du département qui reçoit le plus d'eaux et où cependant l'air est le plus sec en même temps qu'il est le plus froid. Elles s'élèvent, pour la plupart, à la hauteur moyenne de 1500 à 1800 mètres indiquée comme celle à laquelle se soutiennent, sous notre latitude, les nuages pluvieux, et possèdent en outre une sorte de vertu magnétique qui attire et fixe les nuées à leurs sommets ; aussi les pluies y sont-elles fréquentes. Mais les particules aqueuses qui y sont déposées en abondance, entraînées par la déclivité du sol, absorbées par la porosité des matières qui le composent, vaporisées par les couches d'air que des vents continuels ne cessent d’amener, ne tardent pas à disparaître; en sorte qu'on peut dire avec vérité que, dans le Cantal, la contrée la plus sujette aux pluies est cependant la moins humide de toutes.
Il résulte de là plusieurs climats pour ce département. Ces climats diffèrent trop entr'eux pour qu'il soit possible de les représenter par une moyenne générale ; on peut dire seulement, en faisant abstraction de celui des hautes montagnes qui ne saurait être comparé aux autres, que celui des arrondissements de Murat et de Saint-Flour, dont il faut distraire toutefois une partie du canton de Massiac, est le plus froid et le plus sec ; qu'ensuite vient celui de l'arrondissement de Mauriac et enfin celui d'Aurillac, le plus doux comme le plus humide du Cantal.
Tous, au surplus, sont variables à l'excès. Dans toute la contrée, les nuits et les matinées sont fraîches, même dans le temps des plus fortes chaleurs, et les changements de température si fréquents, qu'il n'est pas de mois où on ne soit exposé à essuyer des gelées et même à voir tomber de la neige sur les hauteurs. Les pluies, d'autre part, sont abondantes et souvent de longue durée à toutes les époques de l'année ; elles tombent toujours obliquement, poussées qu'elles sont par les vents, et sont menues et froides, ce qui s'explique facilement par la brièveté de leur parcours qui ne leur permet ni agglomération, ni vaporisation. Il résulte des observations faites pendant plusieurs années par M. Déribier de Cheyssac, que les jours de pluie sont au nombre de 90 dans le Cantal, et que la quantité d'eau qui y est versée annuellement est de 0m923.
Les saisons présentent dans ce département la même confusion que le climat. Le printemps y commence sur une partie, l'hiver y règne dans toute sa rigueur sur une autre ; ici on est encore aux chaleurs de l'été, là l'automne touche déjà à sa fin ; l'aspect de la nature change suivant qu'on s'élève ou qu'on s'abaisse dans ces contrées à hauteurs si variées.
En général elles sont loin d'y être assujetties, pour leur arrivée comme pour leur durée, aux époques déterminées par le calendrier. Le printemps ne se déclare en réalité que vers le 15 mai. Ce n'est qu'alors que les montagnes commencent à se dépouiller de la couche épaisse de neige qui les a recouvertes pendant tout l'hiver ; mais à peine en sont-elles débarrassées, qu'une végétation active et vigoureuse s'y déclare, et peu de jours suffisent pour transformer en un tapis de verdure et de fleurs leurs déserts glacés. Les plaines et surtout les vallées se sont ranimées quelques semaines plus tôt. L'aspect du pays est plein de fraîcheur. Mais la pluie continue encore de tomber par torrents, ou des nuits froides, des brouillards épais, des rosées abondantes, des gelées funestes à la floraison les remplacent pendant une grande partie de cette courte saison.
Les vents qui dominent pendant le printemps sont le Sud-Ouest dans le mois de mai, le Nord-Est et parfois le Nord plein dans le mois de juin.
Ce n'est qu'à la fin de ce dernier mois que commence l'été, car les chaleurs n'arrivent qu'à cette époque ; elles sont souvent très fortes, surtout dans les jours de la canicule pendant lesquels elles dessèchent la terre, brûlent le gazon, tarissent les sources et remplissent l'atmosphère d'exhalaisons épaisses; elles font monter souvent le thermomètre centigrade, à l'ombre et à l'air libre, jusqu'à 25° à Aurillac, jusqu'à 20° à Saint-Flour, à Mauriac et à Murat.
Cette saison est fertile en orages qui se forment sur les lieux ou qu'amène le vent du sud-ouest.
C'est un spectacle curieux que celui de la formation d'un orage au sommet d'un des pics élevés qui dominent le pays. Quelques nuages s'y réunissent d'abord et s'y maintiennent sous la forme d'un brouillard peu foncé. D'autres, moins élevés, montent peu-à-peu et viennent se joindre à eux. Les nuages supérieurs restent stationnaires; mais il s'en forme en peu de temps d'intermédiaires qui les relient à la masse générale. La nuée, ainsi formée, enveloppe le sommet de la montagne et y reste quelque temps immobile quoique sous le souffle du vent qui, bien qu'il chasse devant lui d'autres nuages, n'est pas assez fort pour la détacher du pic qui la retient; puis elle descend peu-à-peu sur le flanc de la montagne prend une teinte foncée, s'étend sur les montagnes environnantes et ne tarde pas à éclater.
Les orages qu'apporte le vent du Sud-Ouest sont les plus subits comme les plus redoutables; ils surprennent toujours par la rapidité de leur marche et se transforment quelquefois en ouragans terribles, presque comparables aux tempêtes des côtes d'Afrique.
Ces orages sont souvent porteurs de grêle et toujours accompagnés de la foudre qui fait chaque année de nombreuses victimes parmi les hommes et les bestiaux, et qui occasionne de fréquents incendies. On assure qu'elle ne tombe jamais à Murat; si le fait est vrai, il peut s'expliquer par la présence des pics de basalte qui dominent cette ville et qui seraient ainsi pour elle de véritables paratonnerres.
Le vent d'Est est celui qui domine pendant tout l'été; il s'y mêle parfois des brises du Nord-Est et du Sud-Est qui se font sentir depuis le lever du soleil jusqu'à midi, et depuis son coucher jusqu'à dix heures du soir.
Avec l'automne l'air devient doux et tempéré; les orages cessent; le gazon, ranimé par des pluies douces, reprend la fraîcheur que lui avaient enlevée les chaleurs de l'été. Cette saison est la plus agréable de toutes dans le Cantal; mais elle est de peu de durée, et dès le quinze octobre les rosées abondantes et froides, puis les gelées blanches, enfin la neige, qui apparaît sur les sommets les plus élevés, annoncent le retour de l'hiver.
Les vents dominant en automne sont ceux d'Est et de Sud-Est.
L'hiver est la saison la plus longue dans ces montagnes: il y commence dés la fin d'octobre et n'y finit que dans les premiers jours de mai. Il s'annonce par des vents violents suivis de torrents de pluies froides qui ne tardent pas à se transformer en neiges. Ces neiges recouvrent d'abord les cimes des pics, s'étendent ensuite sur leurs flancs et finissent par envahir toute la contrée vers la fin du mois de novembre. Les mois de décembre et de janvier sont ordinairement secs; le froid acquiert alors son maximum d'intensité et le thermomètre centigrade descend à - 12 et quelquefois à - 13° à Aurillac et jusqu'à - 15 à Saint-Flour, à Mauriac et à Murat. Les pluies, souvent les neiges, reparaissent en février et en mars ; le grésil et les giboulées leur succèdent en avril et continuent quelquefois pendant la première quinzaine de mai, tandis qu'un commencement de végétation et des fleurs annoncent dans les vallées le retour de la belle saison.
Les neiges qui tombent sur les montagnes du Cantal sont menues et cristallisées en étoiles fort petites. Leur extrême division rend leur déplacement très facile; aussi fuient-elles sous le souffle du vent pour aller s'amonceler dans les gorges, dans les ravins, dans toutes les dépressions du sol qui leur offrent un abri; elles y forment des dépôts d'une épaisseur considérable auxquels on donne le nom de combles. Ces combles acquièrent de la dureté et prennent peu-à-peu une couleur sombre et foncée; ils résistent long-temps aux chaleurs du printemps, mais ils disparaissent toujours dans le courant du mois de juin.
Les parties élevées du département sont en outre sujettes pendant cette saison à des tourbillons neigeux connus dans le pays sous le nom d’écirs, et qui sont de véritables trombes comparables à celles de la Norvège et presque aussi redoutables qu'elles. Rien n'est plus dangereux pour le voyageur que d'être surpris, loin des habitations, par les écirs ; ils l'aveuglent avec leurs particules de glace, lui font perdre sa route et le précipitent souvent dans des fondrières où il reste enseveli sous la neige qu'ils accumulent sur lui. Pour prévenir, autant que possible, les malheurs que peuvent occasionner ces tourmentes, on est dans l'usage de jalonner par des pyramides de pierres ou des pieux élevés les chemins qui y sont exposés, et de sonner les cloches des villages environnants dès qu'elles éclatent.
Les vents qui dominent pendant l'hiver sont celui du Sud-Ouest en novembre, ceux du Nord et du Nord-Est en décembre et janvier, et celui du Sud-Ouest dans les mois suivants.
Il reste pour compléter cet aperçu de la météorologie dans le Cantal, à dire quelques mots des phénomènes qui s'y présentent accidentellement.
Des feux-follets apparaissent fréquemment pendant les chaleurs de la canicule sur le bord des rivières et dans les lieux marécageux ; on aperçoit quelquefois des lumières zodiacales pendant l'été et des aurores boréales pendant l'hiver ; enfin de nombreux tremblements de terre ont été ressentis dans cette contrée, surtout dans les deux derniers siècles ; le premier, dont on ait conservé le souvenir, a eu lieu le 14 septembre 448 ; il a été suivi de dix-sept autres en 465, 589, 1382, 1426, 1588, 1646, 1660, 1682, 1684, 1692, 1721, 1751 ,1733, 1752, 1807, 1808 et 1822.
Aucune observation suivie n'a encore été faite sur la marche des instruments météorologiques dans le département.
Ed. D.L.